Episode 18 : Premier bilan (2/2)

J’apprécie mes congénères ; une affirmation à nuancer toutefois car cela n’est pas vrai pour tous et tout le temps. En cela, je ne crois pas différer du comportement usuel adopté dans le monde des bipèdes. Pour moi, cela se traduit par des démonstrations de franche camaraderie, avec des invites à jouer ensemble, et par des rencontres de museaux, fleurant bon l’entente cordiale dans un respect mutuel. A contrario, je peux manifester un désintérêt de bon aloi, en ignorant totalement l’autre, quand bien même il donnerait de la voix pour attirer mon attention ; et parfois il m’arrive de montrer une franche hostilité, du genre à tendre subitement la laisse et à me laisser échapper des grognements signifiants ! Généralement le croisement de chiens déjà connus conduit à la reproduction du comportement initial à l’identique ; mais il a pu arriver que la bonne entente coutumière se voile d’un reproche ponctuel. Toujours se méfier du lac qui dort. Aussi je recommande la prudence, qu’il s’agisse d’une prise de contact initiale ou de tout rapprochement avec un représentant de la gente canine déjà répertorié. Observation de l’attitude corporelle et marge de manœuvre réduite doivent être la règle adoptée par tout conducteur de chien avisé.

Bon à savoir : le stress du maître se communique au chien. Les signaux qui sont transmis par la voix, par la tension sur la laisse et/ou par l’attitude générale du maître influent nécessairement sur la réactivité du chien, pour le meilleur ou pour le pire. Il est évident que le stress de l’un et de l’autre se nourriront mutuellement, exacerbant la réponse donnée par l’animal au facteur du trouble. Dès lors qu’il ressent que son accompagnateur n’est pas à l’aise avec « l’étranger », le chien sera enclin à se méfier, voire à montrer une certaine agressivité, dont le degré rendra compte du niveau de stress cumulé. Cette communication négative vaut en toutes circonstances, bien sûr, mais tout particulièrement en présence d’un tiers, qu’il soit un chien ou un humain, grand ou petit. Plus un chien est susceptible de se montrer agressif, et plus l’accompagnant devra faire montre d’un calme intérieur afin de faire retomber la tension chez son compagnon. N’oublions jamais que c’est le maître, dans son exemplarité comportementale ou dans l’éducation qu’il a mis en exergue, qui façonne les réponses de son chien, qu’il s’agisse d’un Chihuahua ou d’un Pitbull. Sachant que la voix humaine est considérée comme un aboiement modulé, on aura compris que tout cri et engueulade montant dans les décibels sont donc  à proscrire puisque concourant à la montée du stress chez l’animal. Confronté à un enfant en bas âge, un jeune un peu turbulent ou une personne âgée craintive, un chien est susceptible d’agir de manière non appropriée selon les standards humains. Il est donc normal que le maître attentif prenne les précautions appropriées, d’autant plus si le chien est du genre actif, brusque ou corpulent. En revanche, détourner son chien de manière systématique et délibérée s’avèrerait contre-productif car préjudiciable à terme à la bonne sociabilité de l’animal.     
Le Kishu se vit mal derrière les barreaux

Au lac de Suwa, aux heures habituelles de promenade, soit vers six heures du matin et autour de dix-sept heures en soirée, il y avait embouteillage canin : une trentaine de chiens se côtoyaient alors, beaucoup d’habitués et quelques touristes de passage. Les Shiba étaient bien représentés ; mais la majorité était composée de caniches, plus ou moins nains, de Bouledogues français, et de Loulous en tous genres. Certains maîtres étaient enclins à venir me voir ; la plupart préférait faire un grand détour ; certains optaient pour une décision encore plus radicale : prendre leur chien aux bras. Ceci explique sans doute pourquoi beaucoup de ces roquets m’aboyaient dessus ! J’avais un bon contact avec un Colley de deux ans ; un second Colley, qui se promenait parfois avec lui, ne me supportait pas. Comme quoi, la race n’a rien à voir avec la question des atomes crochus. Mon statut de Kishu me rendait spéciale, en positif. Ce n’était pas le cas du paria du lac, un jeune molosse mâle de 35 kilogrammes dont le museau écrasé et l’allure massive dissuadaient chiens et maîtres de tout contact, même éloigné. Il est des races de chien qui font peur, du fait de leur réputation ou de leur physique peu engageant. S’il n’y a pas de fumée sans feu, il convient de ne pas généraliser non plus : les gènes ne font pas tout ! Tout en muscles, il faisait deux fois mon poids et pourtant c’est moi qui suis allée au contact qu’il sollicitait, tandis que son maître avait grand mal à le maîtriser. Mon instinct m’a fait approcher sans appréhension, ni négativité. Et s’il contrôlait la laisse, mon père faisait aussi  montre de confiance : aucune raison, dans ces conditions, de ne pas dire bonjour ! Derrière une apparence qui avait de quoi impressionner se cachait, en réalité, une vraie crème faite chien. Bavouilleur certes, mais foncièrement gentil. Nous avons sympathisé dans les règles, sans aucun problème, à la grande joie, mêlée d’une certaine surprise, de son accompagnateur, trop habitué à se voir rejetés par la communauté lacustre, son chien et lui. Hormis durant mes périodes de chaleurs, nous n’avons jamais manqué de nous saluer, voire de cheminer ensemble en bonne intelligence par la suite. J’en déduis que le Kishu préfère côtoyer les gros chiens plutôt que les petits. De mon expérience bretonne, je retire le plaisir de courir de long d’une clôture si j’ai un chien pareillement joueur de l’autre côté. Et comme elle n’occasionne pas, de ma part, des aboiements intempestifs, à peine des couinements d’encouragement à continuer la chasse, cette activité jubilatoire est positive, sauf pour les éventuelles plantations fragilisées par nos courses effrénées.        

C’est toujours mieux quand la porte reste ouverte
A sept semaines je cultive mon côté ourson polaire

Pour ce qui est des chats, la donne est totalement différente. Mon vif intérêt pour les félins se double d’une envie –réciproque a priori– d’en découdre. Quand je remue la queue, signe de proie en vue, c’est mauvais signe. Et face à un chat, je fais dans l’éolien ! C’est vrai que mon insistance et ma fougue peuvent interpeler et faire craindre le pire. Mais il faut dire aussi que cet enthousiasme m’a, jusqu’à présent, empêché d’en approcher un à moins de trois mètres. Quelle est la juste part de  velléité agressive d’origine génétique par rapport au sentiment de frustration que je peux ressentir dans cette mise à l’écart forcée ? J’avoue que je m’interroge. Peut-être que la chose serait différente en présence d’un chaton ? Sans faute, je vous tiens au courant des futurs développements sur ce dossier. En attendant, si vous avez en tête d’adopter un Kishu, mieux vaut évacuer l’idée d’accueillir  un félin dans votre foyer, avant sa venue ou en même temps, voire par la suite.

Côté accessoire, j’ai eu une période “Rouge” ; désormais je fais dans le “Noir”

Au niveau du caractère, et pour autant que tous les Kishu se ressemblent peu ou prou, il n’y a rien que vous puissiez redouter : je suis ce que l’on pourrait appeler une bonne pâte. Avec du caractère, certes, mais ni capricieuse, ni caractérielle ; franche du collier, quoi ! J’ai une personnalité qui doit être prise en compte, dès lors que je fais partie de l’équation au sein de la meute. Je vis mon obéissance comme un acte librement consenti. Avec moi, il convient de privilégier le dialogue. Sans doute que je manque du vocabulaire nécessaire pour appréhender les phrases un peu trop compliquées, mais je comprends l’esprit plus que la lettre ; vite et bien. Et je sais faire part, en retour, de mon propre sentiment : il suffit de décoder ma gestuelle, que ce soit un mouvement de tête ou celui d’une patte, renforcé éventuellement par un couinement adapté. Je pense que les termes de coopération et de réciprocité traduisent le mieux le rapport du Kishu avec son entourage. Autant je sais me montrer accommodante au naturel, autant il est indispensable de prendre en considération mes propres besoins quand je les exprime. Même si ces derniers ne sont pas satisfaits dans l’instant, il est important de me signifier que mon message (faim, soif, massage, sortie) est bien pris en compte.

Apprentissage du “check”
Non, la curiosité n’est pas un défaut !

Dernier détail, trivial mais d’importance : la satisfaction des besoins hygiéniques. En Bretagne j’ai fait la connaissance d’un American Akita qui avait le même comportement que le mien sur le sujet. Vous savez déjà que, très tôt, j’ai préféré me soulager en extérieur, d’abord sur le balcon engazonné de fibres synthétiques, puis à l’occasion de mes promenades. Très tôt aussi j’ai été « propre ». En tout et pour tout, j’ai dû m’oublier deux fois quand je n’avais pas encore atteint l’âge de trois mois (uniquement pipi). Là où cela devient compliqué pour mes parents, c’est que j’ai généralement besoin de l’intimité des hautes herbes pour effectuer ma commission. S’il a pu m’arriver de pisser dans le jardin, cette attitude relève de l’exceptionnel ; et c’est impensable pour moi d’y crotter ! Le souci avec les hautes herbes, c’est d’une part que c’est rarement sur le bas-côté des routes et chemins et qu’on n’en trouve pas partout ; d’autre part, le souvenir que j’y laisse est plus difficile à ramasser ! Il arrive que je me montre compréhensive pour faciliter la tâche de nettoyage, Mais c’est un point à retenir : le Kishu est pudique en cette matière et une longue laisse est à privilégier pour lui assurer le degré d’intimité requis.     

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