A l’origine, l’île de Hokkaido est peuplée d’Aïnous, un groupe d’humains (la traduction même du mot Aïnou) probablement venu des steppes de Mongolie, via les îles Kouriles et Sakhaline et la péninsule du Kamtchatka, en profitant du « pont de gel » offert par la mer d’Okhotsk en hiver. On situe cette migration vers 3.300 ans avant notre ère. Soit dit en passant, c’est environ dix siècles avant que les peuples du Wa ne gagnent l’île principale de Honshu en provenance de la péninsule coréenne pour devenir les ancêtres de la population nippone. D’un point de vue chronologique, on serait donc fondé à dire que les Aïnous peuvent être considérés comme les premiers habitants du Japon.
Les Aïnous sont animistes : l’ours symbolise le dieu des montagnes et l’orque celui des océans. Le chamanisme est l’affaire des femmes, mais ce n’est pas à proprement parler une société matriarcale. Leur société méconnaît le concept d’appropriation des terres, ce qui lui vaudra de se faire chasser toujours plus au nord sans faire montre de la résistance propre aux peuples qui revendiquent un droit de propriété sur la nature en général, sur un territoire en particulier.
La population aïnou pratique la chasse, la pêche et la cueillette. Elle pratique un commerce d’échange avec ses voisins par le troc de fourrures et de peaux d’animaux notamment. Peu ou prou, les Aïnous ont connu le même sort que tous les peuples originels autochtones de tradition orale face à une puissance colonisatrice ; leur destin est assez semblable à celui qui fut réservé, par exemple, aux Indiens d’Amérique. Coincée entre une volonté de négation de la part des autorités tokyoïtes et un processus d’assimilation forcée au cours du XXe siècle, la culture aïnou a failli se perdre. Les dernières décennies ont néanmoins permis aux descendants aïnous de renouer avec l’esprit originel de leur peuple et avec les pratiques attachées à leurs traditions ancestrales. Mais avant même l’ouverture de petits centres culturels aïnous et celui du musée national Upopoy (ville de Shiraoi) en 2020, on retrouvait des traces de la langue vernaculaire dans la toponymie de la région et dans la dénomination de nombreuses espèces d’arbres et d’animaux.
Les premiers japonais s’établissent à Ezo –nom originel de Hokkaido- vers l’an 1600 de notre ère. Il est question ici d’une dizaine de milliers de pêcheurs, marchands et cultivateurs. L’île restera peu peuplée jusqu’au XIXe siècle, soit approximativement 50.000 habitants, essentiellement dans sa partie méridionale.
Vous pourrez voir l’un des seuls vestiges de cette occupation originelle en visitant le château de Matsumae (reconstruit partiellement) et ses dépendances à la pointe sud de Hokkaido. Durant plusieurs siècles, il était le point de passage obligé pour les personnes désireuses de quitter l’île.
En 1799, le shogunat nippon en prend l’administration directe en réponse à la présence grandissante des russes d’une part, et à la menace des navires étrangers dans ses parages d’autre part.
En 1868, la restauration du pouvoir impérial (début de l’ère Meiji) ne va pas sans provoquer quelque résistance de la part des partisans du shogunat. A Hokkaido, un groupe fidèle à la lignée Tokugawa (aux affaires depuis le début du XVIIe siècle) déclare l’indépendance de l’île : la République indépendante d’Ezo devient le symbole de la rébellion à l’empereur Meiji. Elle sera écrasée quelques mois plus tard, en mai 1869, lors de la prise de la forteresse de Hakodate. Du Goryokaku, il ne subsiste aujourd’hui qu’un grand parc, délimité par des murailles reprenant la forme en étoile, propre aux ouvrages conçus par Vauban. On peut apprécier pleinement les restes de cette architecture militaire de défense du haut d’une tour de 36 étages qui abrite le musée de la dernière bataille de la guerre de Boshin. Le visiteur profitera de sa visite pour contempler, outre le parc arboré et la finesse du tracé des murailles, le magnifique panorama sur la baie, la ville et ses environs.
La guerre du Boshin (1868 / 69) en trois dioramas (musée du Goryokaku) : débarquement des fidèles du shogunat - débarquement des troupes impériales - entrée des troupes impériales dans la forteresse
Ezo est officiellement annexé à l’empire le 20 septembre 1869. L’île compte alors onze provinces qui fusionneront en 1882 pour accoucher de trois préfectures (Hakodate, Nemuro et Sapporo) avant de n’en faire finalement qu’une seule (Sapporo).
En 1913, Hokkaido compte 1.8 million d’habitants ; ils seront 3 millions en 1940, trois villes dépassant les 100.000 âmes : Sapporo, Hakodate et Muroran.
A la fin de la seconde guerre mondiale, cinq millions de colons japonais reviennent des territoires anciennement annexés de Mandchourie et de Corée. Le ministère en charge de ces réfugiés prend la décision d’en transférer une partie dans l’est et dans le nord de Hokkaido, deux régions grandement délaissées jusqu’alors.